Blog des membres du Collectif « une société pour tous les âges » : après avoir interrogé les candidats à l’élection présidentielle 2007 sur le 5ème risque, ils nous interpellent sur les notions de handicap à tous âges avec un texte : « le 5ème risque pour les nuls ».
Pour alimenter les débat régionaux à l’initiative de Me Roselyne Bachelot-Narquin, Geneviève Laroque explique pourquoi parler de « dépendance » plutôt que de « handicap »
relève de discriminations liées à l’âge.
Par Geneviève Laroque,
pour le collectif "Une société pour tous les âges"
Les définitions de la loi et leur application
Dépendance dans la « Loi du 24 janvier 1997 »
La dépendance se dit de l'état de la personne qui, nonobstant les soins qu'elle est susceptible de recevoir, a besoin d'être aidée pour l'accomplissement des actes essentiels de la vie ou requiert une surveillance régulière.
Cette définition s'applique si la personne concernée a 60 ans ou plus lors de la reconnaissance de cet état.
La situation de la personne est évaluée au moyen d'une méthode dite AGGIR(autonomie gérontologique, groupe iso-ressources) qui classe cette personne dans une des 6 catégories définies, la catégorie GIR1 étant celle dans laquelle la "dépendance" est la plus lourde et la catégorie GIR 6 celle de l'autonomie la plus grande. Les aides nécessaires à la personne sont partiellement financées pour les groupes GIR 1 à 4 au moyen d'une prestation dite "allocation personnalisée pour l'autonomie", à domicile et en institution d'accueil, dont le montant est modulé en fonction du classement "GIR", assorti d'un ticket modérateur fonction des revenus, de 0%à 90%.
On peut noter que cette "dépendance" provient d'une "altération substantielle durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques ou d'un trouble de santé invalidant" et entraîne "une limitation d'activité ou une restriction de participation à la vie en société"
C'est de cette "dépendance des personnes âgées" qu'il s'agit dans les débats ouverts par le gouvernement : définition, évaluation, compensation et aides, financement
Loi du 11 février 2005
Constitue un handicap toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant
Cette définition s'applique si la personne concernée a moins de 60 ans lors de la constatation de son état. Celui ci est évalué au moyen d'une méthode GEVA (guide d'évaluation du handicap) qui analyse quatre grandes catégories d'activités.Si une activité est totalement impossible ou deux activités sont très difficiles, la personne peut bénéficier du financement des aides nécessaires au moyen d'une prestation dite "prestation de compensation du handicap" dont le montant dépend des aides requises.
On peut noter que nombre de personnes en situation de handicap, "nonobstant les soins qu'elles sont susceptibles de recevoir, ont besoin d'être aidées pour l'accomplissement des actes essentiels de la vie ou requièrent une surveillance régulière"
Convergence
La proximité des deux définitions, celle de la "dépendance" applicable aux personnes de
plus de 60 ans et celle du "handicap" applicable aux personnes de moins de 60 ans avait conduit le législateur de 2005 à prévoir dans l'article 13 de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des
chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées :"dans les trois ans à compter de l'entrée en vigueur
de la présente loi, la prestation de compensation sera étendue aux enfants handicapés. Dans un délai maximum de cinq ans, les dispositions de la présente loi opérant une distinction entre les
personnes handicapées en fonction de critères d'âge en matière de compensation du handicap et de prise en charge des frais d'hébergement en établissements sociaux et médico-sociaux seront
supprimées".
Les dispositions concernant les enfants ont été appliquées. Celles concernant les personnes âgées ne l'ont pas été et les débats engagés sur la "dépendance" excluent clairement cette application.
Les conséquences
On constate que le montant moyen du plan de compensation du handicap (PCH) est environ du double de celui du plan moyen d'aide à l'autonomie (APA) : cette constatation est essentielle dans la conduite des réflexions et des débats.
Il a été précisé (1) "qu'une approche différenciée se justifiait, la dépendance étant un risque incertain lié à l'avancée en âge, le handicap une situation pour les personnes concernées". Cette déclaration est d'autant plus étrange que, précédemment, certains avaient affirmé que "la dépendance était un risque inéluctable de la vieillesse, alors que le handicap est aléatoire" ce qui est exactement l'inverse.
Or, qu'il s'agisse de situation dite de handicap ou de situation dite de dépendance, il s'agit de situations qui, en raison, à la fois, de déficiences individuelles et d'inadaptation de l'environnement rendent difficiles ou impossible l'exercice autonome des activités habituelles de la vie quotidienne et la participation à la vie sociale, et peuvent survenir à tout âge de la naissance à la grande vieillesse, à la suite de maladie, d'accidents ou de malformations diverses.
Ces situations sont toujours aléatoires et jamais inéluctables et constituent un risque de l'existence au même titre les quatre "risques" (de déséquilibre dans l'économie individuelle et familiale) qui ont conduit à la création de notre système de sécurité sociale (maladie, famille, vieillesse, accidents du travail) d'où l'appellation de cinquième risque : celui de la perte des autonomies fonctionnelles qui, en raison des dépenses qu'occasionne leur compensation, constitue bien un "risque" pour l'équilibre des économies individuelle et familiale. La couverture de ce risque peut être obligatoire ou facultative, totale ou partielle, au moyen de systèmes publics de protection sociale ou d'assurances privées, individuelles ou collectives, voire de la combinaison de ces systèmes selon des modalités diverses, comme le risque "maladie" est couvert par le système public de l'"Assurance-Maladie" de la sécurité Sociale et complété par des "assurances complémentaires".
Le législateur de 2005 avait bien perçu les difficultés organisationnelles et financières qu'allait entraîner la "convergence" des dispositifs en faveur des personnes de moins et de plus de 60 ans, et avait donc prévu un délai d'application pour préparer ces opérations. Le rejet de toute convergence entre ces dispositifs, affirmé par le président de la république et le gouvernement lors du lancement du débat sur la "dépendance", limité aux conséquences de l'évolution démographique – augmentation du nombre et de la proportion des personnes de grand âge dans la société – et augmentation corrélative du nombre des personnes de grand âge atteintes de maladies gravement invalidantes nécessitant aides et soins pose des questions d'ordre financier mais, plus encore des questions de philosophie politique.
Discrimination liée à l’âge
La France, pays d'égalité, veut-elle continuer à traiter différemment ses citoyens à raison de leur âge, comment justifie-t-elle une discrimination par l'âge, dès lors que les définitions légales elles-mêmes démontrent que les conséquences des maladies ou des accidents entraînent des situations dont la prise en charge demande une adaptation aux besoins de chaque personne, compte tenu de son état, de son environnement et, bien entendu de son âge mais dans le cadre d'une réglementation et d'une tarification commune permettant, justement, les modulations individuelles.
(1) Madame Anne Marie Montchamp